La N-VA

Résumé et adaptation du texte en néerlandais après les élections du 13 juin 2010

 

La N-VA est-il un parti ultranationaliste et séparatiste? Une psychanalyse de cette famille politique concernant ses antécédents politiques et historiques et son idéologie imprégnée de racisme culturel s’imposait d’urgence.

 

Y-a-t-il une différence fondamentale avec le Vlaams Belang? La N-VA évolue en tout cas de façon masquée en politique. Le programme du parti ne laisse aucun doute sur les buts poursuivis: un confédéralisme avec scission de la sécurité sociale, ce qui équivaut à un séparatisme de fait. Sous l’apparence d’un certain masque de respectabilité et de popularité le parti se profile comme le défenseur du flamand opprimé par une minorité francophone.

 

Ce qui suit est matière à réflexion psychanalytique: n’est-il pas étrange de constater que c’est la partie minoritaire qui fait peur à la partie majoritaire, la partie la plus forte qui se souvient d’avoir été la plus faible dans les siècles passés?

 

Comment se fait-il que cet ethno-régionalisme (un nationalisme d’un autre âge comme un journaliste de Libération le définissait récemment) devient aussi populaire?

 

Comment se fait-il que les intellectuels flamands et les groupes de pression (patrons et syndicats) demeurent très passifs dans leurs protestations alors que dans d’autres pays européens les intellectuels réagissent. Andrej Wajda, le célèbre cinéaste polonais fustige le nationalisme régional comme la pire des choses qui puissent nous arriver. Tous les partis politiques flamands sans exception ont été contaminés par ce nationalisme et cette surenchère électorale. L’entourage d’extrême droite du Vlaams Belang est bien connu. Karel Dillen le fondateur de ce parti traduisait les publications de Maurice Bardèche, seul théoricien du fascisme d’après-guerre. Bart de Wever n’a jamais renié son admiration pour Karel Dillen, il était d’ailleurs présent à ses funérailles et accueillait Le Pen de façon chaleureuse. Une analyse bien documentée de cet archéo-nationalisme de repli identitaire s’impose dans sa spécificité belge et en particulier flamande.

 

Derrière une apparence 'moderniste' de ce parti qui séduit beaucoup de monde, les francophones inclus, se cache en effet une face archaïque, imprégnée de racisme culturel. Tout parti crypto-fasciste doit être examiné à l'aune de cette analyse chère à Bernard-Henri Lévy: il faut dévisager leur face archaïque et moderniste. Ces deux piliers-là constituent le socle de toute mouvance de ce type (l'archaïsme de Pétain, allié au modernisme de Le Corbusier). Le troisième pilier, le plus redoutable et peut-être le plus difficile à dénoncer est la banalisation du discours qui devient respectable. La théorie de la banalisation du mal (Hannah Arendt) redevient plus que jamais d'actualité en Europe. La prétendue 'fin des idéologies' du vingtième siècle semble être une bonne évolution en apparence mais elle a également entraîné la fin d'une certaine idée de résistance face aux résidus idéologiques qui remontent à la surface comme les ethno-régionalismes. Le politique (intraduisible en néerlandais) et non la politique, qui détermine le lien social est quasi absent en Flandre, région très politisée (politique politicienne) mais où la conscience politique est très faible, ce qui explique en partie l'esprit grégaire et le manque de remise en question de la N-VA par les contre-pouvoirs, muets ou complices comme les médias et par les intellectuels, absents ou paralysés. Tous les partis flamands se sont effacés derrière l'idéologie de consensus de Bart De Wever et la N-VA. Une analyse constante de la violence politique par les intellectuels comme mode de fonctionnement des sociétés est pourtant plus que jamais indispensable (Georges Bensoussan).

 

L’Allemagne est selon l’historien Lode Wils à l’origine de tous les malheurs de l’histoire politique belge au siècle passé. "C’est en Flandre, dans cette région très catholique et anticommuniste, que la tendance pro nazie a été la plus forte de l’Europe occupée" (Anthony Rhodes).  Motivés par un profond sentiment anti-communiste et par la promesse d'une Flandre autonome, des milliers de jeunes Flamands répondirent à l'appel lancé par Himmler (Jonathan Triggs, SS Flamands - l'histoire de la 27ième division SS des grenadiers volontaires Langemarck, 2010). Le paradigme chrétien prédominant en Flandre, qui contrairement à la partie francophone du pays où la "laïcité" est plus influente, s’est métamorphosé en un paradigme de pensée unique grégaire, unanimiste, nationaliste encadré par un contrôle social accru, basé sur l’angoisse de n’être pas considéré comme "bon flamand" et de ne pas préserver la pureté du territoire flamand. Selon Siegfried Bracke, nouvelle recrue de la N-VA et ancien journaliste très populaire, le parti serait ni de gauche ni de droite mais... "social" ?!? On observe là en tout cas une étrange conception du lien social. A l’instar de l’Autriche, pays catholique par excellence, le vrai débat sur la collaboration n’a jamais eu lieu en Flandre. S’il y a pu avoir débat, il s’est situé uniquement dans la perspective d’amnistie. Ce manque d’autocritique du passé, déjà pointé du doigt jadis par Jacques Attali et que l’on retrouve au niveau politique, au niveau de l’enseignement et des intellectuels,  explique en parti le succès de l’extrême droite nationaliste dans cette région. Comme l’Autriche, la Flandre n’a jamais été complètement "dénazifiée" ni dans les faits, ni dans les esprits.

 

La Flandre nationaliste s’est reconstruite après la Deuxième Guerre mondiale en réaction à la répression d’après-guerre avec la création du parti "la Volksunie" dont la N-VA est l’héritière. La surenchère nationaliste et réactionnaire sera ensuite à la base de la création d’un parti d’extrême droite dissident de la Volksunie: le "Vlaams Blok" (actuellement Vlaams Belang) fondé par Karel Dillen, ami de Maurice Bardèche. L’esprit de rancoeur et de revanche se situe d’une part au niveau linguistique et d’autre part, la frustration issue de la répression et de l’épuration après la Deuxième Guerre mondiale a joué un rôle essentiel (alors même que les leaders de la collaboration ont échappé aux peines les plus lourdes). Il faut toutefois remonter à la Première Guerre mondiale et même au-delà pour mieux comprendre l’origine de cette idéologie nationaliste. Les activistes flamands influencés par un certain Pangermanisme d’avant-guerre collaborent pendant l’occupation en 1914-18, encouragés par une première "Flamenpolitik" des allemands (la politique de l’occupant allemand favorable aux Flamands collaborateurs). En 1917, le Conseil de Flandre (Raad van Vlaanderen) fut crée comme un véritable gouvernement-parlement fantoche à la solde des allemands sur base ethnique, linguistique, corporatiste et théocratique. L’indépendance de la Flandre fut proclamée sous l’auspice des Allemands, sur proposition de Borms (leader activiste), par le Conseil de Flandre en séance du 22.12.1917 (!) par 55 voix contre 2 abstentions. Cela pourrait paraître prémonitoire vu sous l’angle de la situation politique actuelle. Dans l’entre-deux guerres la revanche des activistes et leur demande d’amnistie mènera tout droit à la collaboration avec les nazis. Cette collaboration sera encouragée par une deuxième Flamenpolitik pendant la Deuxième Guerre mondiale. L’idéologie du parti nationaliste prédominant pendant la guerre, le VNV (Vlaams Nationaal Verbond) était d’essence flamingante et fasciste. Après-guerre les partis nationalistes flamands, dont la Volksunie, tenteront de minimiser et d’occulter en particulier cette idéologie fasciste de la VNV dans le cadre de leurs revendications d’amnistie en faveur des anciens collaborateurs (alors que les revendications d’amnistie concernant les collaborateurs wallons, non moins nombreux, sont inexistantes en région francophone).

 

L’attitude récente et ambivalente de Bart De Wever, le leader de la N-VA, concernant la responsabilité de l’administration anversoise à l’encontre des juifs pendant l’occupation, est assez éloquente et caractéristique de cet état d’esprit. On retrouve cet esprit de duplicité face au passé de la collaboration auprès de la majorité des leaders nationalistes flamands. A juste titre l’écrivain Pierre Mertens compte la N-VA parmi les partis d’extrême droite d’origine douteuse, héritière des flamingants collaborateurs de la deuxième guerre mondiale. Dans un article d’opinion "le pays qui ne s’aimait plus" (Le Monde), Mertens analyse de plus près ce nationalisme de mauvais goût: "Quelqu’un qui minimise la responsabilité de la municipalité anversoise et la déportation des juifs est coupable de négationnisme". Que Bart de Wever est de surcroit historien aggrave ses propos malgré des excuses peu crédibles.

 

Les Gianfranco Fini, Pim Fortuyn, Geert Wilders et Bart De Wever ont ceci en commun: une tendance au repli identitaire qui menace notre vieux continent qui ne parvient pas à se débarrasser de ses anciens démons du siècle passé. L’écrivain libanais Amin Maalouf parle à juste titre "d’identités meurtrières". Les antécédents familiaux d’une partie importante des membres de la N-VA nous renseignent sur leurs liens avec la collaboration. La position du président du parlement flamand Jan Peumans (N-VA), dont la famille a baigné dans la collaboration est assez illustratif à cet égard. Peumans banalise la collaboration pendant la guerre et diabolise dans ses propos la résistance dans son rôle supposé d’épuration, traitant les résistants de racaille. Sans connaissance et analyse de cette filiation historique, politique et familiale des mouvements et partis nationalistes flamands, il est impossible de décrypter l’idéologie de la N-VA. A la lumière de cette évidence historique l'Europe des régions (ethniques), vieux fantasme et projet fasciste, le racisme culturel, la haine du français (comme culture subversive contre tous les totalitarismes, héritière des Lumières) deviennent compréhensibles. Cette évidence dérange beaucoup de monde mais ne peut être occultée. La frustration et l’esprit de revanche face au refus des demandes d’amnistie par l’Etat belge sous l’influence en particulier des francophones, forment le socle des revendications nationalistes dans le cadre d’un racisme culturel. La N-VA récupère 10% des votes du Vlaams Belang en les sortant du cordon sanitaire mais aussi de façon plus banale les mécontents du système. La N-VA est composée en majorité d'ultranationalistes, de transfuges du Vlaams Belang et des déçus d'autres partis de droite. A cet esprit de revanche qui est à la base de ce mouvement politique actuel s’ajoute en effet le mécontentement ambiant dans le cadre de la crise économique mais également l’égoïsme des riches et la peur face à la globalisation. La N-VA est en majorité un parti de la classe moyenne flamande qui présente une souffrance et une peur sociale de l’appauvrissement, quasi existentielle. Ce phénomène n’est pas unique à la Flandre mais est présent dans plusieurs régions d’Europe. Il s’agit donc d’un enjeu géopolitique et d’un défi pour l’avenir de l’Europe tout entière. La coexistence pacifique de différentes cultures et langues sur un même territoire est dès lors menacée. Les régions plus prospères ne veulent plus payer pour les régions moins riches. Ainsi l’Italie du Nord veut se défaire du Mezzogiorno.

 

Les nationalistes flamands espèrent un divorce indolore à la Tchécoslovaque avec évaporation de l’Etat belge dans l’Europe, attitude fort méprisante et très peu courageuse. Pour rassurer les journalistes européens De Wever utilise un langage pseudo-darwinien "l’indépendance de la Flandre par une évolution et non par une révolution". Le parti veut former une Forza Flandria regroupant le centre et la droite nationaliste. La N-VA s’est renforcée lors des dernières élections par des transfuges du CD&V (parti social chrétien) et du Vlaams Belang d’extrême droite, qui considèrent pouvoir mieux propager leur idéologie par le biais d’un parti d’apparence respectable. L’obstacle majeure et de taille pour le rêve séparatiste de la pensée unique nationaliste flamande reste la région bruxelloise et sa périphérie ainsi que la sécurité sociale qui demeure fédérale. Il faudra tenir compte également avec les dissensions traditionnelles au sein du camp des nationalistes qui ne tarderont pas à se manifester - et espérons le - avec un sursaut citoyen des flamands dans l’urgence de la menace de l’extrémisme. La tension politique devra fatalement monter pour que les mentalités évoluent. Le plus grand danger réside dans la banalisation de ce parti, qui se situe dans la zone grise des partis démocratiques. Cette banalisation a dès lors déjà fait son oeuvre en Flandre, encouragée par les médias. La banalisation politique de Geert Wilders aux Pays-Bas incite en tout cas à l'extrême vigilance concernant l'évolution politique belge. Pour ceux qui veulent bien voir, les indices d'extrémisme de cette pensée unique flamande ne manquent pas.

 

Le néo-fascisme en Flandre progresse de façon constante et insidieuse. Il s'agit d'un néo-fascisme de type nouveau, impregné d'une idéologie de racisme culturel. Comme le déclarait récemment l'historien américain Robert O. Paxton, spécialiste de la France de Vichy et du Pétainisme, l'appellation fasciste est peut-être trop connotée pour ce genre de partis, élus démocratiquement et qui se présentent comme des partis de "renaissance".

 

Il s'agit en tout cas de mouvements politiques plus dangereux que les groupuscules d'extrême droite minoritaires des dernières années, dans la mesure où ils récoltent l'adhésion de certains intellectuels et industriels et ont une assise populaire plus importante qui légitimise leur violence politique.

 

La Flandre est entrainée par un nationalisme qui trouve son origine dans le Pangermanisme du dix-neuvième siècle et dans les deux "Flamenpolitik" des Allemands, favorables aux collaborateurs pendant les deux Guerres mondiales. La Flandre est malade de son amnésie et de son amnistie, elle ne s'offusque même plus quand on traite des compatriotes de parasites (l'échevin des finances de La Panne traite les touristes wallons de parasites, décembre 2010), ou quand on brutalise des citoyens dans leur domicile (le maïeur de Wezembeek-Oppem est intimidé à son domicile par le Taal Aktie Komitee, janvier 2011).

 

Pour combattre ce genre d'idéologie il faut coaliser d'urgence les vrais démocrates, flamands et francophones avec le soutien européen. L'Europe devra obligatoirement s'impliquer et ne pourra pas tolérer qu'un fascisme de type nouveau s'installe dans son épicentre.

 

En juillet 2012 la NVA intègre de nombreux transfuges politiques du Vlaams Belang. Cela ne devrait étonner personne, le ver étant dans le fruit. Un de ces transfuges est un certain Jurgen Ceder, sénateur, exprésident des étudiants nationalistes flamands d’extrême droite NSV. Le journal De Morgen met en lumière la violence physique qu’il aurait exercé en 1984 à l’encontre d’un étudiant. La violence politique mènera tôt ou tard à la violence physique. Les instigateurs à la haine portent une lourde responsabilité.

 

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